Submersible.

L’eau est rentrée de tous côtés, par-dessus, dessous, par les ouvertures et les failles, par les grands sourires et les silences, partout elle pénètre. L’eau a pris toute la place, a tout alourdi. C’est l’heure, capitaine, ferme les dernières écoutilles, pour une autre plongée dans les ondes troubles, vers les abysses sans limite. Là où il n’y a plus de lumière, ni de chaleur, plus de son, plus d’odeur. Là où il n’y a plus de vie. En lente dérive inutile et essentielle, emportée par les courants aléatoires et sans importance. Le temps continue sûrement, ailleurs, mais ici il n’est plus compté. L’espace lui-même c’est rétréci aux dimensions de l’unicité, un point dans l’abîme, à peine une particule, un tout petit vide de rien du tout dans le grand noir sidéral sidérant si attirant dans sa froideur virginale. Proche du zéro absolu, tout près du fond incommensurable et génial, à porté de souffle de l’électron enfin libéré. La non-existence ultime de l’être qui se noie.

Et puis une voix. Subtilement perceptible. Doucement lancinante, comme une douleur oubliée. Un frère humain chuchote, un oiseau peut-être, un albatros alors. Sans s’en apercevoir la terrible surface se rapproche. On aurait cru à l’effort de vider les ballasts qu’on se tromperait. Tout s’évapore lentement en un subtil brouillard remuant de vie. Les tempêtes attendent certainement le pauvre navire en déroute, il va falloir encore lutter, trouver quelque énergie de l’improbable vitalité résiduelle. Profiter des accalmies pour colmater les brèches béantes, repeindre la coque pour arriver au port comme dans la cour du lycée : pareil aux autres, rutilants et joyeux. Comprendre alors, dans certaines cicatrices, les expériences d’immersions totales ; s’en faire complice, en silence, pour se tenir chaud encore une heure. Tromper une fois de plus les haruspices plongeant dans nos propres entrailles, en prolongeant une pirouette absurde et sublime.

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