Parfaire le silence.


Et puis c'est reparti. Comme ça, d'un coup, sans qu'on s'y attende vraiment. On avait encore l'oreille tendue, par habitude. Un chuchotement, peut-être. Un murmure, le discret glas du lointain, le tremolo du tram d'en bas de la rue. On était à l'affut du moindre bruit. Du moindre signe. Au cas où. Prévoyant conducteur qui met sa ceinture comme tout le monde; comme si ne plus sentir cette bande protectrice sur le cœur, c'était déjà mourir. On vivait ainsi, le sonotone à fond, depuis longtemps, depuis des lustres de secondes cristallisées. On vérifiait les piles, les dimanches pluvieux. Mais non, rien. Tout ce silence des crissements quotidiens se répétait inlassablement. Comme le bruit de fond de l'univers, les grésillements des TV en fin de programmes, le vent du désert. Il était là, absent par habitude car nos cerveaux ont cette capacité de négliger, d'effacer, de ne même plus percevoir l'ordinaire.

Alors, évidement, quand c'est parti, comme ça, brusquement, hurlement, nos tympans ont crus éclater. De ça, on n'avait plus l'habitude. On n'a plus entendu, l'espace d'un instant, que nos propres palpitations affolées par le choc thermique. Ce premier bruit, le tambour du dedans, à rempli tout le dehors. Il s'est étendu, tout autour, très loin, de plus en plus loin, comme un écho d'où les autres sons semblaient provenir. On pensait y voir des entrelacs, des réseaux de soi, des toiles impressionnistes. Les drôles de chemins d'hier et de demain, ensemble, simultanément, sur la même onde, la même vague sonore. Comme une illusion de perfection nous échappant déjà, dans un drôle de minutage.

Ça va nous couter cher en orthophonie.