Remue-nocturne.

Trois jours
trois nuits
que la maison dort mal. De tous ses étages
fenêtres et portes closes dans sur l’obscur
cauchemar de chacun ; palpable fait divers cauchemars.
Personnelles et remarquablement communes insomnies ; ça remue dans les draps,
dans les corps, dans les rainures du parquet. Grincement.
Et tout cela se secoue étonné du jour venu dans l’agitation fébrile et grise. Le toit coule
sous les cernes, les douches râlent le petit matin, les cafés débordent, impuissants.
Trois nuits qu’on découvre la lune, le soleil, le ciel enfin. Oui, le ciel,
la terre et l’univers, l’air, les météores perturbateurs.
Dans chaque chambre chacun chacune ça
erre, ça crispe, ça hante et ça plisse les fronts.
Pour chaque chambre chacun et chacune
ça tarde à se ranger d’où ça vient.
Tout simplement.
Comme c’est venu.
A cause de la lune, du soleil, du ciel, de l’air, de l’eau.

Gestibulle à savonattes.

Nous avions rendez-vous
Tête-en-l’air
Au bar-bar, en face de la gare
Pied-à-terre
Nous nous sommes manqués
Main-au-feu
J’avais pourtant pris les devants
Bouche-cousue
En déculottant les bouchons
Oreilles-perçées
Le patron avait applaudit
Cul-de-jatte
Mon air dépité en fin de compte
Dos-large
Paya l’addition sans sourciller
Œil-de-verre
En échange d’un rock
Coude-à-coude.

Une vitre.



Frontière
invisible palpable, froideur du minéral fondu et
diffractant
Et la peau, la peau sur le verre
l’empreinte posée sur le lien au
dehors
la trace de la pulpe
des doigts
La main passe, ou est-ce
l’œil ? La paume signale les lignes de vie en impression
fortuite
L’appel au
derrière, de l’autre côté de l’axe d’
asymétrie
L’œil qui est main qui s’est aussi posée sur la vitre qui parle
fort et humblement.





D'après l'oeuvre de Jean Rustin
et sur une idée original de Milady Renoir.

http://www.rustin.be/
http://atelier-milady.skynetblogs.be/

Et pâques sonnera trois fois les cloches creuses.

Roucoulement sonore, impudique,
pervers du
lapin en chocolat dont on bouffe le cul
le ventre la
tête
et les œufs, les œufs creux comme les
orbites asexuées
des spectres d'égouts aux os usés
l’odeur, l’odeur remonte, donne la
nausée
dès le matin au 37°2 anal
avant après la douche
ouverte comme la mort
laissée en traces dégoulinantes pour pas
disparaître – peur, terreur, des suées frigides -
hurlantes, bavantes, remuantes
alors c’est beau dans l’esthétique instinctive des réveils
hagards
froids sans fond amers acides métalliques
hallucinant un tropique cancéreux
gangreneux
des plaies béantes saignantes purulentes
et sages
que la chaux vive viendra pointer pour le héros
aux fillettes sans
condition.

Pont à veine.

C’est un pont couvert de mousse sur le bois, car c’est un pont couvert en bois avec de la mousse. Le chemin est en cailloux blancs, des gros pavés un peu passé de gris si tu prenais une photo, mais tu lis donc il peut être blanc ou rose ou violet. Là il est blanc à cause des petits cailloux partout. Tu me suis ? Il traverse la Sarine. La Sarine est la rivière qui matérialise le rideau de rösti, la röstigraben incarnée au cœur de la vieille cité de Fribourg. Je te conseille d’y aller un jour, si possible celui du carnaval. D’abord parce que la ville est jolie, l’évènement carnaval, prétexte à une joyeuse journée, reste bien lisible – pour qui ouvre les yeux et les oreilles-, et puis il y a ce pont tout en bas. Après ou avant le pont, selon de quel côté tu viens, il y a un chemin qui part de la route principale. C’est un cul de sac, véridique, tu peux aller voir ça aussi. Du début du chemin tu verras bien les autres ponts de la ville. Ceux entre les plus hautes berges de la ville, en pierre de tour pour le plus proche, et en squelette de fer pour le moderne. Si tu suis le chemin, tu y rencontreras des gens singuliers, vas-y voir, ça en vaut la peine. Le chemin est entre deux falaises, c’est le fond d’un ravin, vert et humide comme dans la forêt tropicale. On n’y voit pas beaucoup plus le soleil, mais c’est bien plus frais l’été.

Voilà où se situe le héros de cette histoire. Mon héros enjambe une frontière linguistique, il a un pied francophone et l’autre germanique. Mon héros est couvert, il protège comme tout bon héros du genre des contes et histoires. Comme il est de bois, y a de la mousse, je l’ai déjà dis. Et puis des oiseaux qui vivent-là, des pigeons pour la plupart. Comme nous qui y passons. Quand tu le rencontreras ce héros-là, assis-toi sur ses bancs et lis l’histoire de la Sarine, du carnaval et du gentilhomme qui vit juste en face. Tu aimeras cette histoire et tu souriras peut-être en pensant à ma manie de mettre des héros partout.