Il a mourru


L’absent mort devient présent, un instant. Je veux dire,

la mort de l’absent ne fait qu’un vide de rien, mine de rien. Comprenez,

quand il mort, pire, quand j’ai appris qu’il était mort, j’ai plus pensé à moi, qu’à lui. Évidemment,

impossible de me rappeler la date, je crois que c’était samedi, mais je ne l’ai su que le lundi. Ce qui signifie

qu’il était déjà enterré, et mort. Comme si

il n’avait jamais existé, dans l’absence. Par conséquent,

l’inexistence de l’absent me le ramène du passé. C’est dire

si j’ai de l’avenir.


Mon père est mort.

Mon père est mort. Je l’ai appris par téléphone de ma marraine, qui est aussi la sœur de ma mère. Ma tante, donc, a lu son avis d’obsèques dans la rubrique nécrologique locale. C’est une chance en somme, ma mère a appris qu’elle était veuve 18 mois après la mort de son mari, qui n’est pas mon père. D’ailleurs ma mère ne sait peut être pas, pour mon père. Il faut que je pense à le lui dire.

Mon père est mort. Je crois que l’enterrement était hier, mais je n’ai pas retenu cette information. Je n’ai de toute façon pas l’intention d’envoyer des condoléances à sa veuve et ses enfants.

Mon père est mort à 83 ans. Je ne le savais pas si vieux. Je l’aurais donc côtoyé un an et demi, en tout. Ça y est, le chiffre est définitif. Mon père est mort, donc, et j’ai beau le répéter, je n’ai de lui que l’absence de vide que je calcule en heure de présence.

Mon père est mort, le salaud, alors que je ne me suis jamais sentie si vivante. On n’était pas fait pour s’entendre, décidément. De tous les sentiments que cet homme là a pu m’inspirer, il ne reste donc que cette affreuse indifférence.

Qu’il repose en paix, pourrait-je donc dire, si je ne m’en foutais complètement.