La lettre.

C’est une silhouette regroupée sur le banc, enveloppée dans son manteau, cachée sous la capuche. C’est une ombre recroquevillée, qui ne bouge pas, à peine perceptible. Il fait froid, la rosée a tout mouillé autour sauf sous la place qu’elle prend. Ça fait un contour en négatif, une projection blanche sur le bitume.
A l’est pointe la lueur de l’aurore. Le jour arrive entre les montagnes en pâleur rosée. Le lac clapote doucement. On entend tantôt les voix fortes des derniers fêtards qui rentrent. Ils sont sur la place, plus loin. Les portes de voitures claquent, les moteurs démarrent et vont se perdre dans la ville. Elle ne bouge pas.
Les promeneurs de chiens arrivent avec les premier joggeurs. Elle lève la tête pour les regarder. La capuche tombe et ses cheveux s’étalent sur ses épaules. Car c’est une femme. Elle est belle dans cette aurore frissonnant. Inquiétante aussi car beaucoup des passants évitent le banc. Un chien amène sa propriétaire pour faire connaissance avec cette inconnue. Elle lui sourie. La femme tire sur la laisse dans la direction inverse. Le chien sanglote en faisant demi-tour.
Elle reste seule un moment. Le rose a pris toute la place dans le ciel. Il envahi tout. L’indécent rose dans les nuages coule jusque dans l’eau. Vers l’ouest, le violet fini de marquer la nuit. Les dernières étoiles se battent encore, ultimes scintillantes de l’obscurité consommée.
Tout à coup, l’astre du jour parait. Les premiers rayons effleurent la crête et sautillent jusque dans l’eau. Le jaune, l’or surgissent subitement. Le lilas disparaît en milles éclat de lumière sur la surface lisse. Tout à coup, il fait jour. Les lampadaires disparaissent. La silhouette se lève.
Elle a du rester un long moment dans cette position car ces articulations sont engourdies. Sa démarche est un peu raidie. Elle marche doucement. Elle longe l’eau vers la lumière. Un frisson la parcours, on le voit d’ici. Elle garde ses mains dans ces poches. L’air frais et humide du réveil lui fait les joues et le nez plus rouges. Elle renifle.
Un homme lui dit bonjour. Elle lui sourit. C’est sa réponse. Elle sourit. Elle se dirige vers un café. Elle entre dans l’atmosphère chaude et les odeurs de petits déjeuners. Il y a déjà quatre ou cinq personnes. Certaines lisent la première édition, l’édition du dimanche au lever du jour. Elle ôte son manteau et s’assoie. Elle regarde tout autour d’elle. La musique est douce, la serveuse arrive. Elle commande un café. Et un croissant. Quand la tasse arrive, elle pose ses mains tout autour pour sentir la chaleur. Elle boit doucement en laissant la vapeur réchauffer son nez. En mangeant le croissant elle observe encore la salle. Un couple discute autour d’un déjeuner copieux. Un homme est penché sur les pronostics des courses. Deux autres se taisent devant leurs tasses. Des doigts jouent avec les miettes sur la table, pour en faire de petits tas.
Elle cherche de la monnaie puis se lève. Elle remet son manteau en faisant sortir sa lourde chevelure. En passant elle souhaite une bonne journée à la serveuse qu’elle croise. Elle sort.
On entend sonner huit heures. Elle sort une cigarette, et un briquet. Elle allume cette cigarette, et aspire la fumée. Elle lève les yeux, et le menton. Elle souffle la fumée bleutée, qui se perd dans la brume alentour.
D’un pas vif, elle se dirige de l’autre côté de la rue, vers la poste. Elle se tient droite devant la boite quand elle y dépose la lettre. Prochaine levée dans 28 heures.

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