Innocente horreur.

Papa est parti. Il fait des missions secrètes. C’est très loin, et ça dure longtemps. La dernière fois que je l’ai vu, j’étais toute petite. Je suis grande maintenant, mais je sais bien qu’on se reconnaîtra. Parce que c’est mon papa, tout de même.
Maman est malade. Elle est a l’hôpital. Je vais la voir les dimanches, et parfois le mercredi après-midi. C’est Mme Muller qui m’accompagne. Mme Muller c’est ma nourrice. Elle est très gentille. Elle prépare bien la cuisine. Et s’occupe bien de moi. Mais je préfère quand c’est maman qui raconte l’histoire. Elle sait bien raconter les histoires. Elle sait faire plein de choses, ma maman. Elle voit plein de choses aussi. Elle me fait rire. Et puis elle est gentille.
Quand maman guérira, je pourrais vivre avec elle. Je lui montrerai comme je sais bien faire tout plein de choses, moi aussi. Par exemple, maintenant je fais mon lit. Et je sais faire mes lacets aussi. Et puis je débarrasse mon assiette. Elle sera fière de moi ma maman.
Tu vois, je lui ai fait un joli dessin. C’est nous deux au parc. Regarde, elle me pousse sur la balançoire. Mes cheveux volent, tu as vu ? Et puis là, c’est notre chien. Je l’appellerais Caramel. Parce qu’il sera brun.
Tu vas me laisser voir ma maman, hein ? Mme Muller m’a dit que c’est toi qui décides où je vais aller. Moi, je veux être près de ma maman. Je suis sûre qu’elle veut me voir aussi. Hein ? Dis ? Il faut lui dire que je suis bien sage maintenant. Que je l’embêterais plus. Tu lui donneras mon dessin, d’accord ?
Je travaille bien à l’école. C’est maman qui me dit toujours ça. Tu peux demander à la maîtresse. Je fais toujours bien mes devoirs. Et je me tiens bien en classe.
Ma maman, elle dit que je suis le soleil de sa vie. Tu vois, ça veut dire qu’il faut qu’on reste ensemble. Sinon on sera malheureuses. Encore plus qu’avant.
Maman est fatiguée, tu sais. Je crois qu’elle a besoin de soleil. Elle est toujours toute pâle. Et ça lui fait des cernes. Et puis elle parle doucement. Elle pleure moins qu’avant, mais elle dort tout le temps. Je fais pas de bruit, et je la regarde. Des fois, je joue à la poupée. Tu as vu ma poupée ? Elle est jolie. Elle s’appelle Elise. C’est un joli nom. Sa robe est belle, tu vois y a des brillants sur le velours. C’est une princesse. Mme Muller m’a offert une brosse pour les bébés. Comme ça je peux la coiffer. Aujourd’hui, je lui ai laissé les cheveux sur le dos. Mais des fois je fais des tresses. J’arrive pas à bien faire les chignons. Maman m’apprendra. Elle se fait de beaux chignons ma maman. Elle est belle. Quand elle s’habille pour sortir, elle met du maquillage. Moi j’ai pas le droit d’y toucher. Mais elle me met du vernis, aussi du rouge. Depuis qu’elle est à l’hôpital, elle se maquille plus. Peut-être qu’elle n'a pas sa trousse ? Tu pourrais aller lui la chercher ? On habite au 18 impasse du clôt vert. Au dernier étage, à droite. Y a notre nom sur la porte. J’ai la clef, si tu veux, je te la prête. Et puis tu pourras lui prendre des robes et des jupes, à elle. Ma préférée c’est la grande blanche avec de la dentelle. Mais elle est trop jolie pour l’hôpital. C’est une robe du dimanche. Prends lui plutôt sa jupe bleue claire avec le chemisier beige. Ça lui va bien.
Ma maman sera malade encore longtemps, tu crois ? Qui s’occupe de la maison ? Les plantes vont faner. Tu pourras t’en occuper aussi ? Toi, tu es docteur ? Tu soignes ma maman ? Ou t’es dans la police ? J’aime pas les gendarmes. Ils posent pleins de questions très fort. Et puis, ils disent des bêtises. Ils comprennent rien. En plus, ils me font peur. Je veux pas aller en prison. Et maman non plus. Si t’es docteur, il faut que tu guérisses vite ma maman. Comme ça, les gendarmes pourront plus nous retrouver. On s’en ira très loin avec papa. Et on sera heureux tous les trois.

1 commentaire:

Skoliad a dit…

Maman est folle - William Sheller.

Maman est folle
On n'y peut rien
Mais c'qui nous console
C'est qu'elle nous aime bien

Quand elle s'envole
On lui tient la main
Comme un ballon frivole
Au gré du vent qui vient

Tais-toi, Léopold
Surtout ne dis rien
Les gens dans leur cache-col
N'y comprendraient rien

Quand maman rigole
On oublie qu'on a faim
Que c'est l'heure de l'école
Qu'on a peur des voisins

Elle est notre idole
On en a le cœur plein
Faut pas qu'on nous la vole
Ou qu'on l'emmène au loin

Tais-toi, Léopold
Surtout ne dis rien
Les gens dans leur cache-col
N'y comprendraient rien