L’interdit sur le banc public.

Il y a un banc, un large banc en bois peint, un confortable banc vert. Il invite à s’asseoir, forcement, ce banc auquel il manque presque la pipe. Donc on s’assoit. Après tout, on n’a rien de mieux à faire pour l’instant. Moi je croise les pieds et j’étends mes jambes. Je regarde un banc d’hirondelle pêchant autour du réverbère qui vient de s’allumer. Elles piaillent en Si et la ficelle entre les poteaux électriques les accompagne en chantant le wouh du courant d’air. Il fait bon. Au bout d’un moment j’ai envie de fumer. Les fumeurs font cela : ils marquent les instants agréables d’une satisfaction addictive en nicotine, notamment. Donc je sors mon paquet de tabac et mes feuilles, parce que j’ai envie de prendre mon temps, de savourer le présent. Je déguste l’odeur fraîche et fais glisser les fibres entre mes doigts agiles. Et puis je mouille doucement mon papier du bout de la langue. Je connais le goût qui viendra sur mes lèvres. C’est très sensuel, pour ne pas dire sexuel, cette histoire de clopes. Jusque dans le plaisir déclenché par l’arrivée de certaines molécules dans le sang. Mais j’assume ma libido d’adulte en enlevant les poils qui dépassent du papier. Je sais déjà le moment de la première bouffée, celle que l’on apprécie le plus. Après deux ou trois tafs, je parlerai un peu.
Quand je sors enfin mon briquet, je vois le panneau : « interdiction de fumer en public. »
En face, le gros nuage blanc de la centrale dessine un énorme sourire.

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