?.

J’avais pris sa main. Parce qu’il n’y avait plus rien à faire d’autre. Que je ne savais plus quoi faire d’autre. On attend de la vieillesse une certaine sagesse, un savoir en tout cas, un recul sur les choses de la vie qui nous échappent toujours. Alors, face à cette question là, moi qui n’avait pas encore 20 ans, je lui avais pris la main. Murmuré un je-ne-sais-pas. Ou quelque chose comme ça. Je ne suis même plus certaine. J’ai perdu pied sur cette question là. J’ai senti le monde tangent pendant un instant. J’ai glissé, moi qui n’ai pas le mal de mer, j’ai tangué avec l’univers flou et mou tout à coup. Je n’ai pas eu le temps de me sentir idiote, ou interdite. Ce n’était plus la jeune et le vieux dans le lit d’hôpital. Ce n’était plus une relation socialement codifiée, un rôle à assumer. Cette question-là nous a ramené sur le même plan. Le plan c’est beaucoup dire, justement, puisque le fil devenait tenu et fin et invisible. Puisqu’il n’existait plus rien que ce ? sans réponse possible. Et moi, sans le savoir encore, j’ai pourtant donné la seule chose qu’il attendait, ce ?. En lui donnant la main. Oh ! Ça n’a duré que quelques secondes. C’est dire si c’était long pour m’en souvenir encore maintenant.
Donnez-moi la main, petite, là. Vous sentez cette chaleur encore sous ma peau flétrie, transportée par mes veines dilatées ? N’ayez pas peur de cela. Car cela n’existe pas. Car cela a toujours été. N’ayez pas peur de moi ni de vous ni même de la question que vous n’osez poser et dont la réponse serait ce ? Car voyez-vous, charmante, après toutes ces années, je me suis rendue compte que ce qui avait alors compté vraiment, à cet instant là, c’était nos sincérités.
Voilà pourquoi c’était touchant. Prends ma main. Voilà pourquoi c’était vrai et rassurant. Reste un peu près de moi. Voilà. Tu vois, belle, il n’y a pas de raison de trembler.
Ça va aller.

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