Elle lui a pris la main. Ou était-ce lui ? Ce n'est pas important. Ils se tenaient la main, en oubliant depuis quand, depuis où, depuis qui. Ils ont passé du temps ainsi, main dans la main. Un seul corps, avec deux bras, quatre jambes. Ils ont marché, beaucoup. Ils se sont couchés. Ils ont dormi. Ils se sont réveillés. Ils sont devenus singulier. Il mangeait. Il se lavait. Il se faisait l'amour. Longtemps, long temps. Et puis un jour, il ne sait plus quel jour ou quelle nuit, il s'est laché la main. Tout simplement. Alors il y eut deux corps avec quatre bras et quatre jambes; avec deux têtes et deux coeurs. Les corps mangeaient, se lavaient, faisaient l'amour avec d'autres corps ou avec leur propre corps. Les corps pluriels se multipliaient sous les couches de draps. Et puis, un jour ou une nuit, un moment imprécis, les corps n'ont même plus touchés d'autres corps. Parce qu'ils ne connaissaient plus la main. Les corps ont oubliés qu'ils pouvaient n'être qu'un. Les coeurs n'ont plus su comment, pourquoi, dans quel état. Les têtes ont perdu le souvenir d'un prolongement. Ils étaient redevenus singuliers sans le savoir. Et ce n'était pas important. Tout simplement.