Mon sac de billes est tout troué, tout mité, tout aéré. Je n’ai jamais pu me résoudre à les ranger dans des boites étiquetées – boulets, calots, mammouths, minis, maxis billes ; j’assume donc les pertes récurrentes de mes yeux de chats. J’éparpille mes billes sans le décider vraiment. Une, deux, dix, cent. Elles filent sur les parquets cirés avec le bruit de la grêle sur la vitre. Dix, cent, milles billes qui glissent et déstabilisent les gens autour. La foule s’écarte pendant que je joue aux équilibriste, résolue à laisser courir. Parfois, accidentellement, quelqu’un prend le temps d’en ramasser pour moi. Cela n’a aucune utilité, fondamentalement le cul de mon sac est tout poreux, mais cela permet un échange membranaire, un instant. Cent, mille, mes millions de billes perdues et retrouvées, mes petits nerfs plantés là, sans arrosage excessif.
Mon sac de billes est tout troué, merci de ne pas m’en offrir d’autre. Je ne saurais pas quoi en faire.