Il est midi aux portes.

On me donne du courage là où je ne vois que lâcheté.
On me sert de ma liberté où je murmure presque du destin.
De combien de chimères chacun de nous a-t’il besoin
pour survivre à la réalité ?
Je ne suis que ce que je suis ; c'est-à-dire pas grand-chose mais pas rien.
Je navigue dans des temps pendant lesquels les choix ne sont que des illusions masquant mal les évidences.
Je me reconnais en vous comme vous en moi : partiellement.
D’ailleurs ni vous ni moi ne savons vraiment ce que nous sommes.
De toute façon, la question n’est jamais posée.

Vie d'usine pour Mélusine. 3/3

C’est l’été sur l’usine. Fermeture du mois d’août pour ses laborieuses, un arrière goût de liberté en récompense, un cadre en fenêtre de l’espace temps ouvrier. Mélusine ne part pas. Ce n‘est même pas parce que son salaire est minimal. Mélusine habite un petit studio en banlieue, n’a aucune activité, mange peu. Elle a des économies, involontairement de quoi partir vers ailleurs le temps de l’été. Mais elle n’y a jamais pensé, instinctivement elle n’a même jamais envisagé de partir. Pour où, et vers quoi qui en vaille la peine ? Mélusine ne part pas, ne s’éloigne pas de son bassin d’origine.

Le premier week-end se passe comme d’habitude. Levé à 7h, café noir. A 8h les doigts s’agitent un peu, prendre une boîte de raviolis et du sucre, passer chez la propriétaire. Mais dès le lundi, une nouvelle forme d’effervescence l’envahie. La ligne N°4 l’appelle de ses mains, nerveusement prises de tics désagréables. Etrangement ce comportement des extrémités ne cesse pas avec les heures puis les jours. Mélusine a une idée : elle commence le tricot. Elle se rappelle vaguement le nœud de base. Elle achète une pelote de grosse laine jaune en solde et puis deux aiguilles, trop fines pour son fil. A 16h30, elle a un rectangle de 32 cm de large, exactement. Les premiers rangs laissent un peu à désirer. Mais rapidement l’ouvrage devient régulier. Mélusine tricote dans sa cuisine tout l’été. Passer la pointe dans la boucle, le fil entre les aiguilles, l’aiguille de l’autre côté, point suivant. Cinq jours par semaine, pendant sept heures. C’est une drôle de banderole multicolore qui s’entasse dans le coin.

En septembre, la ligne redémarre. Les visages paraissent plus lumineux pendant quelques secondes, puis la lumière bleue s’allume. Pièce du bac, côté droit, clic, rondelles, vis, tapis, pièce du bac, clic, rondelles, vis, pièces, vis, clic, rondelles, clic. A 16h30 c’est la quille. Bus N°94 à 16h43. Seulement, quelque chose vient encore de changer pour Mélusine : ses mains ne se suffisent plus de la ligne N°4. Ça peut paraître anodin, dit comme ça, si on accepte le fait que des mains agitées peuvent prendre le contrôle d’une vie. Mais pour Mélusine c’est une révolution. Mélusine fait quelque chose, en dehors des actes strictement nécessaires à la vie et elle y a pris goût. En tout cas cela présente un intérêt immédiat vis-à-vis de ses démangeaisons palmaires.

En dehors de toute pensée concrète, elle se dirige déjà vers la mercerie. A la devanture, la vendeuse finalise sa vitrine d’automne : il s’agit d’une tapisserie de saison – une scène de chasse à cour – exposée autour de fils aux couleurs du même thème. Mélusine trouve que ça prendrait moins de place, elle entre à la recherche de son nouvel ouvrage. Mélusine arachnide est devenue pénélope sans le savoir. Peut-être bien que le seul Ulysse de Mélusine ne sera que la mort elle-même. Peut être bien qu’elle n’est pas vraiment différente. Derrière les points, les vis, les nœuds, les rondelles et les tapis, y a-t-il jamais plus que du fil en solde ?


Vie d'usine pour Mélusine 2/3

Mélusine était rentrée sur la ligne numéro quatre à peine quelques jours après son seizième anniversaire. Elle n’avait pas changé de poste depuis. D’ailleurs elle n’avait pas changé depuis cinq ans. Le même regard vide, la même lassitude des cheveux, la même démarche indifférente. Les premiers temps, ses collègues avaient vu dans son attitude une forme de rébellion adolescente. Mais il fallait bien se rendre à l’évidence, Mélusine ne protestait pas, elle ne réclamait rien, n’affirmait ou ne contredisait rien. Quand, lors d’une réunion syndicale, on l’avait questionné ouvertement sur ses aspirations, elle répondit :

- Rien, je ne veux rien. Je suis satisfaite comme cela .

Cela avait provoqué un léger malaise dans l’assistance, puis les conversations avaient repris en écartant le sujet. Depuis, plus personne ne demandait quoique ce soit à Mélusine. Cela semblait lui convenir aussi, elle était de nature peu bavarde.

Tout comme celles de ses collègues, sa vie s’était réglée au rythme de l’usine. Cinq jours durant, elle animait ses mains devant le tapis. Le visage ni concentré ni distrait, impassible. Tous les matins elle se levait à 7h, prenait un café noir puis le bus n°94 de 7h32. Le soir elle rentrait par celui de 16h43 et allait s’allonger en attendant l’heure de passer à table. Le samedi pour les courses, le dimanche la lessive.

Etait-ce de porter le nom d’une fée au triste destin amoureux ? Mélusine n’était pas portée sur les garçons, les problèmes amoureux ni même les pulsions sexuelles. Mélusine ne lisait pas, ne regardait pas la télé, ne s’intéressait pas à la mode, à la politique ou l’environnement. Mélusine vivait en fonction économique depuis toujours semblait-il.


Vie d’usine pour Mélusine. 1/3


Lumière bleue. La pièce du premier bac sur la face droite, emboîter les deux parties, du haut vers le bas, prendre une rondelle du bac du milieu et fixer avec la vis, recommencer trois fois, à chaque angle. Pièce, face droite, rondelles, vis, tapis. Pièce, rondelles, vis, sentir le clic. Flashs, lumière rouge : arrêt d’urgence. Un flash, lumière verte : pause. Enlever le casque, refaire surface avec le monde du bruit.

Agathe avait vite compris l’utilité du casque. Pas seulement quand elle était à la chaîne ; elle l’oubliait souvent au réfectoire. Rapidement les autres ouvrières l’avaient laissé seule, mais elle gardait cette habitude. Lumière jaune: on repart, à la bleue il faut déjà avoir repris le rythme. C’est facile, avait dit le chef de ligne : pièce, face droite, clic, rondelles, vis. Avec ce casque tu n’entendras pas le bruit des presses et tu resteras concentré. Concentré sur la pièce, le clic, les rondelles, les vis, pendant 7h. On-ne-peut-plus simple.

Au bout de deux semaines, n’importe qui pourrait le faire dans le noir. Céline, elle, le faisait les yeux fermés depuis sa première demi-journée. Cela faisait plus de deux ans qu’elle faisait exactement les mêmes gestes, il lui était poussé une sorte de sixième sens. Elle attrapait l’objet, faisait ses manipulations et reposait le tout. Les yeux fermés. Les oreilles casquées. Et pourtant parfaitement synchrone avec son environnement. En face, Hélène ne cessait d’admirer cette efficacité, sans se rendre compte qu’elle-même ne regardait pas d’avantage son occupation manuelle.

Pause déjeuner au self service de l’usine, les plateaux en ligne sur les petits rails. Couverts, verre, pain, entrée, plat, vin, caisse. Et le reste, le reste. Pièce, clic, rondelles, vis, tous les jours, toute la vie, tout le temps. Pièce dans le sommeil, rondelles du réveil, clic, clic sur la télécommande. Vis du loyer, des gosses, des plantes vertes. Pièce du bac dans le clic du tapis d’autoroute des vacances. Flashs rouges des grands moments, lumières vertes des barbecues, à la bleue les transports en communs.

100 contre un, ça laisserai au moins une chance.


Je suis, nous sommes
les Don quichotte de nos paradis perdus.
On se bat, hystérique et psychopathes avec
mes chimères, nos illusions.
On s’entraperçoit dans mes combats, nos batailles
sublimes, pathétiques. Et ça nous fait rire encore, les soirs de tempêtes.
Burlesques pantomimes de mes incapacités, nos peurs
mes mensonges, nos vérités, transcendés en ligne de vie, de fuite vers des horizons à jamais inaccessibles. Et ça nous fait pleurer encore, au soleil ardant.
Les mauvais présages s’accumulent pourtant en cadeaux de noël anticipés dès l’été. Qu’importe, s’il faut mourir, au moins soyons braves face aux dragons imaginaires.

Monsieur Méno, version accoustique.

Ici il y a des textes, écrits mais coincés très loin dans un disque dur.

Admettons qu’une incapacité technique m’empêche de les publier.

Ici il y aura ces textes-là, un jour.

Ou pas.

Monsieur Méno, version salsa.

Ici il y a des textes, écrits mais coincés très loin dans un disque dur.

Admettons qu’une incapacité technique m’empêche de les publier.

Ici il y aura ces textes-là, un jour.

Ou pas.

Monsieur Méno, version jazz.

Ici il y a des textes, écrits mais coincés très loin dans un disque dur.

Admettons qu’une incapacité technique m’empêche de les publier.

Ici il y aura ces textes-là, un jour.

Ou pas.

Monsieur Méno, version rock.

Ici il y a des textes, écrits mais coincés très loin dans un disque dur.

Admettons qu’une incapacité technique m’empêche de les publier.

Ici il y aura ces textes-là, un jour.

Ou pas.

Monsieur Méno, version éléctro.

Ici il y a des textes, écrits mais coincés très loin dans un disque dur.

Admettons qu’une incapacité technique m’empêche de les publier.

Ici il y aura ces textes-là, un jour.

Ou pas.

Monieur Méno, version dub.


Ici il y a des textes, écrits mais coincés très loin dans un disque dur.

Admettons qu’une incapacité technique m’empêche de les publier.

Ici il y aura ces textes-là, un jour.

Ou pas.