Sans.


Ça fait si longtemps maintenant que tu ères entre leurs yeux que tu ne sais même plus la couleur du sommeil. Au fond des grands puits, tu crois encore que le vide cache la folie, croupie-là, dans les eaux froides et souterraines des pupilles racornies. Tu as perdu ta baguette, tu as perdu les vibrations mais tu ne te résous pas encore, tu rebondis inlassablement, comme si ton âme malade ne savait plus rien faire d’autre. A l’heure de fermer tes propres yeux, tu hésites. Les volets restent ouverts sur la nuit. Bientôt tu déambules dans les rues désertes, à la recherche d’un autre œil dans le silence des morts intimes. Tes cils hululent le jour pâle quand nos paupières s’ouvrent enfin. Alors, un instant, tu peux rêver.


Ça fait si longtemps maintenant que tu ères entre les corps perdus que tu ne sais même plus l’odeur de ta peau. Sur les grandes esplanades des chairs offertes, l’écho des cris de tes jouissances te donne encore l’impression d’être libre. Tu as perdu ton propre désir, tu as perdu les frissons mais tu baises encore, pour ne pas perdre la main. Comme pour participer à une immense partouze et retrouver ta consistance. A l’heure de t’offrir à ton tour, tu hésites. Tu rechignes, tu tiens bon, tu débordes soudain en un flot tiède cachant mal ton absence. Tu dégages rapidement, tes mains étouffent, tes oreilles hennissent, tu es déjà loin. La porte claque doucement derrière toi. Alors, un instant, tu peux exister.