Mes peurs.

J’ai peur de demain, j’ai peur d’hier. Aujourd’hui j’ai peur. J’ai peur des vaches et des trains qui m’emmènent toujours plus loin, partout pareil. J’ai peur de ne jamais plus m’arrêter, j’ai peur d’aimer mal. J’ai peur de ne plus sourire, j’ai bien peur de trop pleurer. J’ai peur encore des mots qui fixeraient mes peurs. J’ai peur de passer à côté de l’essentiel, d’être trop fragile et bien trop forte, j’ai peur de ma sensibilité, j’ai peur de mes anesthésiants. J’ai peur de me tromper, j’ai peur d’avoir raison. J’ai peur d’être seule et peur d’être deux et peur d’être plus nombreux. J’ai peur des gens, j’ai peur de moi, j’ai peur pour moi et même pour d’autres. J’ai peur de mourir et peur de vieillir, j’ai peur de ne pas grandir, j’ai peur de mon enfance et de finir adulte. J’ai peur de me réveiller et peur de m’endormir, j’ai peur de mes insomnies et de mes rêves diurnes. J’ai peur de mes fantasmes, de mes élans, de mes convictions erronées. J’ai peur du monde et de la vie, j’ai peur de vivre, j’ai peur de n’avoir pas assez de force. J’ai peur encore de n’être rien, et ce n’est rien à côté de ma peur d’être quelque chose. J’ai peur de mes masques, j’ai peur des miroirs, j’ai peur de ma gueule déglinguée, j’ai peur pour mon âme délabrée. J’ai peur au ventre, j’ai peur aux doigts, j’ai peur aux yeux et au cœur, j’ai même peur dans la bouche amère, dans le sexe, dans les frissons j’ai peur dans le dos, j’ai peur sur mon front et sous les cheveux. J’ai peur de me noyer, j’ai peur des salons et des caves, j’ai peur des gares. J’ai peur de ne pas comprendre mes peurs, j’ai peur du sens qui n’existe pas, j’ai peur du grand méchant loup, j’ai peur d’échouer et j’ai tellement peur de réussir. J’ai peur d’être trop nombreuse, j’ai peur d’être compliquée, j’ai peur d’être simplement bête, j’ai peur d’avoir perdu les traductions. J’ai peur du noir, j’ai peur de la lumière. J’ai peur que le listing de mes peurs ne suffise même pas à les exorciser.
J’ai peur de tout cela, et pire encore j’ai peur du contraire.




Et puis, parfois, l'espace d'un minuscule instant,
je n’ai plus peur de rien.