Comment oses-tu me parler d’amour, toi, hein ? Toi qui n’as pas connu Lola Rastaquouère !

Ma Lola s’appelle Peter. C’est un nom d’emprunt, qu’il utilisait au sortir des bahuts pour faire mystérieux. Prononcez « Piiiteur », merci. Entre Heïdi et la fée clochette, il tapait direct dans le sortir de l’enfance avec un brin d’exotisme américain, très à la mode à ce moment-là chez les ados. Donc j’étais au Lycée quand j’ai rencontré ma Lola. C’qu’il m’a fait faire, le salaud, je le tairais. J’ai des perversités pudiques qui enflamment l’imagination de celui qui m’écoute. Depuis je déteste le banding de toute façon.

Ma Lola était une gourmandise contagieuse et mon corps ne lutta pas bien longtemps contre la prolifération de jouissances malignes. Ça m’a coûté bonbon, hein, allez pas croire. La Lola a des tarifs prohibitifs, c’est la règle. J’trimais mes quinze heures par jour pour avoir ma tranche quotidienne. C’est comme ça que j’ai fini insomniaque. C’est malin. Mais bon, j’étais accro de la Lola de ce maquignon - un facteur complètement timbré, vous pouvez me croire. A se demander si c’est pas sa folie qui me plaisait. Tout m’attirait de toute façon, même, voire surtout, ses excès. C’est dire.

On dit que l’amour rend aveugle. Rien n’est plus faux avec les Lolas. Peut-être la passion n’est-elle pas de l’amour ? En tout cas, je crois pas avoir manqué grand chose, visuellement parlant. Même les oreilles et le cerveau fonctionnaient encore, entre deux orgasmes. Non, moi, la Lola m’a rendu muette. Muette et suppliante que ça continue, juste encore un peu. Voyez le genre ? Donc ne rien dire. Voilà la seconde loi. Je suis devenue esclave le jour, objet la nuit, et silencieuse du dedans. Ma Lola aurait fait des merveilles comme gourou. Une fois les rôles distribués, je suis devenue victime consentante, prête à défendre la situation calmement. Sereinement. Car aussi paradoxal que cela puisse paraître, vivre avec Lola simplifiait grandement ma vie. L’angoisse venait de lui directement, tout le reste était forcement plus facile. Tellement de chaleur et de violence, tu comprends ? Tellement de complexité et de toujours plus. Le reste paraissait froid et cotonneux. Sans intérêt bien sûr, et surtout particulièrement aisé, un univers du prévisible presque rassurant bien qu’éloigné.

Depuis Lola, j’ai connu l’amour, comme tout le monde. Mais je suis restée nostalgique de ma Lola, c’est regrettable. Je l’ai souvent cherché dans mes conquêtes, je l’avoue. J’ai longtemps privilégié les mecs bizarres, avec qui on ne s’ennuie pas au moins le temps de la découverte. Mes copines aussi, d’ailleurs, font le même genre d’expériences. Dans nos quêtes mensuelles du mâle fécondateur, l’attrait de l’étrange(r) donne des points à l’original. Les mecs l’ont bien compris : ils sont tous devenus fous ; l’originalité, maintenant, est d’un trouver un au passé psychiatrique vierge. Les filles n’étant pas en reste de ce côté-là, vous admettrez que nous sommes une génération de paumés. Globalement. Toute façon celle de nos parents s’est perdue et les autres ne s’étaient jamais trouvées. En soit ça change donc pas grand chose. Et puis, quel que soit le tordu du contenu psychique masculin, je n’ai jamais retrouvé de Lola. Un truc d’avec le corps, la peau, les muqueuses ; un phénomène rare pour ne pas dire unique. Ou alors c’est l’âge, allez savoir.

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